Règle d’Or, empathie et partage des connaissances
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Comme étudiant en philosophie, j'ai d'abord suivi avec enthousiasme l'école de philosophie éthique de la phénoménologie (Scheler, Husserl, etc.), qui base l'éthique sur une analyse de l'expérience vécue, fondée sur l'empathie et la compassion, c'est-à-dire sur une compréhension de base de la Règle d'Or.
Au milieu de mes études, j'ai cependant été rattrapé par les contraintes concrètes de la vie, faisant la rencontre d'une personne malade, qui n'avait plus la possibilité de pouvoir sentir correctement le rapport à l'autre, ainsi que c'est le cas dans la schizophrénie. Comment continuer de vivre avec autrui, lorsque nous partageons le même espace, mais que cette personne s'isole d'un monde commun de l'expérience (que les philosophes nomment "koinos kosmos")?
Mon mémoire de licence a été focalisée sur une approche anthropologique de la maladie mentale, décrivant comment elle déforme notre expérience de l'empathie et de la présence au monde, et donc la possibilité même d'appliquer dans son rapport à l'autre le précepte pratique de la Règle d'Or (ou règle de compassion).
Une grande tristesse mêlée de colère m'a aussi envahi, malgré mes efforts de compréhension face à cette expérience de vie marginale, je restais déçu et désemparé. Bientôt la colère de l'impuissance s'est intériorisée, face à l'inefficacité de la médecine traditionnelle et des sciences, me conduisant dans ma fuite intérieure, à rechercher un modèle de compensation vis-à-vis de la régression mentale de cet être cher, pour me lancer dans l'étude du darwinisme, c'est-à-dire du contraire de la maladie: de l'évolution, de la santé et de la vie animale la plus basique, appliquée à tout être vivant.
Ayant commencé des études post-graduées, je me suis ainsi le plus souvent considéré comme opposé à la pensée dominante, non pas parce que j'avais des convictions, mais parce que je voulais dépasser le vécu tragique qui m'obsédait, et que je découvrais avec bonheur que je pouvais développer la pensée, même triste, et que cela devenait la seule chose qui véritablement présentait un intérêt, dans l'illusion que sans conflit la vie entière est régression à une existence banale, un nivellement par le bas.
Comme je me battais contre l'école de philosophie dominante de ma faculté, qui enseignait les lieux communs de la philosophie dite ‘professionnelle’, je cherchais aussi des soutiens d'en-haut, l'appui de quelques pairs avec qui je pourrais partager une soif comparable de connaissances. Je me suis fortuitement lié d'amitié à une grande figure de la philosophie, qui indulgente comme le sont les grands esprits, s'est intéressée à mon histoire. Par un hasard étonnant, la première question que m'a posée cette personne a été: "est-ce que tu aurais un manuscrit récent à publier?", ayant une calme assurance qu’étancher ma soif d'expression devait être la meilleure médecine philosophique.
Trois mois plus tard je publiais mon premier livre, et grisé par l'intérêt de partager une recherche dans des cercles universitaires plus larges, je m'engageais petit à petit, pour trois autres années d'études, dans l'aventure fascinante d'une école doctorale en philosophie.
A ce moment, j'avais l'impression que j''avais enfin la chance de définir par moi-même les contours de mes études avec un large souci de liberté, fasciné par l'idée d'une recherche de la connaissance pour la connaissance. Après une expérience dans l'enseignement universitaire, où je me suis appliqué à encourager mes étudiants à écrire et à oser à se découvrir "philosophe", je devenais moi-même éditeur, responsable d'édition d'une maison d'édition d'éthique et de philosophie, qui cherche à rendre service au Sud Global, et qui vise à donner à autrui la chance d'être à son tour édité et publié.
N'est-ce pas une belle façon de réaliser enfin la Règle d'Or de faire à autrui tout le bien que nous pensons qu'autrui voudrait qu'on lui fasse? Ainsi la boucle était bouclée: je parvenais enfin à réaliser l'objectif de pratiquer un principe d'éthique global, sans sacrifier aux exigences de la pensée et sans renoncer au bonheur de partager avec autrui, la meilleure partie de notre vie, celle au service de l'autre et de la connaissance. J’ai une immense gratitude envers le dieu qui a permis que ce monde, plein de bonheur, soit le monde dans lequel je vis.

Globethics Publications Manager
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